L'un des incidents les plus horribles de l'histoire du Congo s'est produit le 1er juin 1966 peu après l'arrivée au pouvoir de Mobutu. Il avait promis de céder prochainement le pouvoir à un gouvernement démocratiquement élu. Mais il est vite devenu évident qu'il n'avait pas l'intention de démissionner. L'agitation grandit surtout à Kinshasa.
Dans le but d'imposer sa volonté au peuple, Mobutu a organisé la pendaison publique de cinq dissidents politiques, dont Evariste Kimba, qui avait été Premier ministre sous le régime précédent, et d'autres ex-ministres Jérôme Anany, Emmanuel Bamba et André Maharnba. L'incident s'est produit à Matonge qui était et est toujours considéré comme le cœur politique et culturel du pays. Une grande foule a été témoin de la pendaison et cela a laissé une marque indélébile sur leur psychisme. Mobutu avait réussi à choquer le public pour qu'il se soumette.
Le meurtre a eu lieu le jour de la Pentecôte. Dans le calendrier liturgique chrétien, la Pentecôte célèbre la pluie purificatrice du Saint-Esprit sur les disciples du Christ après sa résurrection. Cela a reçu une importance supplémentaire parce que Mobutu était catholique tandis que Bamba, qui était le plus franc des quatre, était un kimbanguiste. (Le kimbanguisme est une religion traditionnelle congolaise).
Franco était l'un des nombreux témoins de l'exécution publique. En conséquence, il a chanté une chanson intitulée Luvumbu Ndoki (Luvumbu le sorcier). La chanson est un folklore traditionnel kikongo qui est généralement utilisé pour accuser les personnes soupçonnées d'avoir tué ou de nuire à la famille proche. Dans la mythologie Bakongo, Luvumbu était un chef qui sacrifiait ses proches à des fins personnelles.
La chanson était considérée comme une accusation contre Mobutu. Il a été immédiatement interdit et tous les exemplaires en vente ont été immédiatement confisqués. Franco a été détenu par la police secrète de Mobutu pour interrogatoire. À sa libération, il s'est enfui à Brazzaville et a attendu pendant six mois que les choses se calment.
C'était un acte de courage extraordinaire de la part de Franco. Luvumbu Ndoki est probablement la chanson la plus radicale jamais chantée au Congo et elle est venue à une époque où les dissidents politiques étaient sévèrement traités. Dans la chanson, Franco chante à haute voix des incantations en kikongo qui ressemblent à des accusations qui deviennent plus fortes à chaque couplet qui passe jusqu'à ce qu'il atteigne un crescendo. Il y a une section d'appel et de réponse dans laquelle la communauté répond aux chants des accusateurs comme si elle était d'accord. Il était considéré comme représentant les cris du peuple congolais qui était sous l'oppression.
Le fait que Luvumbu Ndoki était considéré comme une personne qui plaçait son intérêt personnel avant la communauté est significatif. C'était comme si Franco disait aux Congolais que Mobutu canalisait la nature égocentrique de Luvumbu. Il est également significatif que dans l'histoire traditionnelle de Luvumbu Ndoki, la communauté finisse par se purger du chef égocentrique après l'avoir forcé à répondre à des accusations. C'était comme si Franco disait aux Congolais qu'ils avaient la capacité et les outils pour se débarrasser de Mobutu.
Après que la chanson ait été interdite en 1966, elle a été rééditée par EMI-Pathe en 1967.
Numériser les archives musicales constituant le patrimoine de la rumba congolaise
La Discothèque - Bibliothèque Bassin du Congo est une ressource musicale congolaise en ligne pour promouvoir la recherche dans le domaine de la musique et de la culture populaire.
La raison de cette collecte de fonds est : Obtenir un meilleur équipement pour numériser l'histoire de la musique congolaise stockée dans des formats audio et vidéo analogiques pour garder "l'histoire musicale des deux Congo" accessible à tous en excellente qualité. Le montant nécessaire est de 500 €
Cliquez sur le bouton ci-dessous pour faire un don :
Les fichiers de notre serveur ont eu un problème hier soir en raison d'une utilisation excessive. Le problème sera résolu ce week-end. (Résolu aujourd'hui 04 avril 2022.)
J'en profite également pour vous informer que de nouvelles chansons sortiront tous les vendredis. Nous constituons dans un premier temps le catalogue du label de Verckys Kiamuangana Mateta, Éditions Vévé.
Une des plus anciennes chansons connues abordant principalement le thème de la « décolonisation ». Adou Elenga a été emprisonné par les autorités coloniales belges plus tard après la publication de ce titre.
Détails artistiques
Artistes : Adou Elenga, ndeko na ye Mousaidi Louis na Groupe Rythmique Ngoma
Après la publication, en 1955, du Plan de 30 ans pour l’émancipation de l’Afrique belge, du professeur Joseph Van Bilsen, les esprits s’échauffent au Congo. Les intellectuels réagissent par la publication du Manifeste de « Conscience africaine » du 30 juin 1956.
Pour le groupe d’intellectuels regroupés autour de l’Abbé Joseph Malula le futur cardinal Malula, archevêque de Kinshasa, il ne saurait être question d’un plan d’émancipation des populations congolaises si celles-ci ne sont pas elles-mêmes associées à la marche vers leur auto-détermination.
Dans un contre-Manifeste dont le texte est publié dans les colonnes du journal « L’Avenir », au courant du mois d’août 1956, l’ABAKO – l’Alliance des Bakongo – estime qu’il faut appeler les choses par leurs noms, et qu’il ne s’agit pas d’émancipation, mais bel et bien « d’indépendance du Congo ». Et puisqu’il s’agit d’accorder l’indépendance aux populations congolaises, qu’on nous l’accorde maintenant et aujourd’hui même.
A partir de la publication de ces trois textes, les choses se précipitent. Les premières élections communales ont lieu en 1957. D’abord dans trois villes : Kinshasa, Lubumbashi et Likasi, puis dans d’autres grandes villes de l’époque. Elles permettent aux Congolais élus bourgmestres de certaines communes de faire leurs premières armes en politique.
Mais l’expérience de la gestion communale, au lieu de calmer les revendications politiques, ne fait qu’envenimer les tensions. Les Congolais veulent une participation plus grande à la gestion des affaires publiques. Et c’est dans ce climat de tensions politiques aggravées que le chanteur Adou Elenga lance sa chanson restée célèbre : « Ata ndele, mokili ekobaluka ». C’est un énorme succès. Les milieux politiques en font leur refrain quotidien.
Tout à coup, un dicton populaire devient, par la force des choses, un slogan politique. « Ata ndele, mokoli ekobaluka ». Tôt ou tard, le changement adviendra. Plus tôt que très tard, ajoutent les plus audacieux. Pourtant, avant Adou Elenga et depuis 1943, d’autres chanteurs avaient popularisé d’autres dictons comme « Mokili ngonga », « Mokili ma kalamba », « Mokili mayi ya bwato », « Mokili mbanga ya ntaba ».
Ces dictons qui signifient tantôt « la terre tourne », tantôt « le monde est un perpétuel changement », tantôt « le monde est une pirogue ballotée par le vent », tantôt « la terre bouge constamment », veulent dire une seule et même chose : le changement.
Mais jamais auparavant, les auteurs de ces chansons n’avaient été inquiétés sous l’accusation de subversion politique. Le malheur d’Adou Elenga est que sa chanson était sortie à un moment de fortes tensions politiques. Et c’est pourquoi, elle fut interdite d’exécution publique et Adou Elenga fut mis aux arrêts.
Mais son jugement n’aura pas lieu. La firme Ngoma où Adou Elenga enregistre ses chansons, engage un avocat pour défendre sa cause. La firme a d’ailleurs intérêt à le faire. L’interdiction de diffusion publique qui frappe la chanson d’Adou Elenga veut dire aussi interdiction de vente de la chanson et, donc, manque à gagner.
Après trente jours d’internement à Makala, Adou Elenga retrouve sa liberté. Mais la police, en l’arrêtant, en a fait tout un « héros ». Comme quoi, on peut faire la politique sans le savoir. En tout cas, l’avocat d’Adou Elenga n’avait éprouvé aucune difficulté pour démontrer que la police s’était mise à chercher des poux sur la tête d’un chauve.
Dans la marche vers l’indépendance, des leaders politiques ont connu la prison. C’est le cas, notamment, des leaders de l’ABAKO (Joseph Kasa-Vubu, Edmond Nzeza-Landu, Raymond Bikebi, Daniel Kanza), arrêtés après les événements du 4 janvier 1959.
C’est encore le cas d’Albert Kalonji et Evariste Mulumba – leaders du Mouvement solidaire muluba, arrêtés après les événements de Kananga de 1959. C’est aussi le cas de Patrice Lumumba – président du Mouvement national congolais – arrêté après les événements de Kisangani de 1959.
Pour ces trois cas précités, les choses sont compréhensibles. Tous ces leaders faisaient la politique et étaient étroitement surveillés par les services secrets. Adou Elenga n’était leader d’aucun parti politique. Pourtant, il a connu la prison en 1957, pour avoir chanté une chanson jugée « subversive ».
« Ata ndele, mokili ekobaluka ». La table ronde politique de Bruxelles des mois de janvier-février 1960, les élections législatives du mois de mai 1960, et la proclamation de l’indépendance du Congo, le 30 juin 1960, bref tous ces événements et d’autres encore ont finalement donné raison à Adou Elenga. Aucun pays colonisé n’est resté perpétuellement sous la domination du pays colonisateur.
Quelle que soit la puissance des puissants, il y a un plus puissant au-dessus d’eux. Et il y a un temps pour toute chose : un temps pour coloniser un autre pays, et un temps pour lui accorder son indépendance. De gré ou de force. « Ata ndele, mokili ekobaluka » !